vendredi 11 janvier 2008

Par Achour Ouamara , écrivain

Myriam Kendsi
ou
la mémoire du seuil


Quelle trame s'ourdit derrière ces portes aveugles ? Du reste, sont-ce des portes ? Battants scellés ou traces de griffes d'une recluse ? Sommes-nous à l'intérieur ou à l'extérieur ? Méfions-nous de la parure majestueuse des arcades, semble nous dire Myriam Kendsi, elles sont perfides messagères du ciel. Et tous ces murs aux pierres canoniques (rideaux du ciel implacable), muets, las de séparer, s'effriteront en lettres inversées.

Il faut lire dans chaque tableau l'inversion, ou plutôt l'union, du dehors et du dedans. Brouillage des limites. Fermeture et ouverture, comme la fixité et le mouvement, s'imprègnent mutuellement. Dans la douleur. Sans témoin. Nous comprenons maintenant ce timbre tragique de la couleur dépouillée, ascétique, sobre et rétive au fard sans être dénué de sensualité, pour dire et interroger toute l'ambiguïté du seuil, mémoire flottante du passage. D'un passé infidèle à un futur hésitant. C'est le signe pèlerin qui encadre et carde ce passage. C'est en lui, dans l'humilité de son trait, qu'est confinée toute l'immensité du silence. L'écriture est soeur de la voix. C'est la lettre qui fait naître le décor, et non l'inverse.

Chaque tension du trait donne à suivre un trajet, à penser un lien difficile mais salutaire, à vivre la fin d'un temps et le début d'un autre : l'augure d'une retrouvaille.

Mais comment peindre un a-venir avec le lest d'un passé ? Tisser au peigne fin la mémoire polygonale, répond Myriam Kendsi. D'abord libérer le signe, ici la femme qui nous déborde. Déjà, la roue épuisée du temps se délie. Elle tourne en plissé soleil illuminant l'inespérée jointure. La femme tatouée d'Hier, décidée, s'en échappe, comme si elle passait à travers une lice, en y inscrivant à jamais l'empreinte de la grâce souillée. Pour mémoire. Tel est le travail de la suture.

Le signe germe et se fait fil à coudre la mémoire piquée au Tifinagh et dont les pans sont outrageusement ségrégés. Sont-elles transparentes ces femmes langoureusement étirées, matissiennes, sans visage, ou est-ce notre pupille, habituée à les couvrir, qui rêve d'un suaire ? Cette trace d'un visage inconnu du soleil, sans aucune aspérité à donner au regard, n'est que le reflet de l'oeil assoiffé de (dé)voilement.

Les ombres lacérées sont en quête de leurs sources. Vainement. Condamnées à produire leur propre lumière. Il faut enseigner à l'oeil cette saturation du motif cyclique et ombreux : ce sont les rayons d'une lumière inédite. Et le seuil sera sans intérieur.

Où commencera le dehors ?

Dans la mémoire fécondée du signe !